No-code : vers une économie de l'hypercréativité ?
“The No-Code Generation is arriving” : cette annonce, je dois le dire, m’a laissé perplexe... Car les avancées technologiques, l’amélioration de nos équipements, la métamorphose de nos habitudes : tout cela, le plus souvent, se fait petit à petit, graduellement. Enfin, c’est vrai, il y a des contre-exemples : les smartphones, AirBnB, Uber... L’économiste Clayton Christensen a d’ailleurs conceptualisé ces disruptive innovations, qui s’imposent subitement, sans crier gare. Ces dernières sont rares. Elles peuvent avoir lieu, explique-t-il, lorsque de nouveaux produits ou services, d’abord jugés inoffensifs (prix bas, étrangeté du concept, intérêt limité à quelques enthousiastes…), entament peu à peu un marché pour le dominer finalement. Ce modèle vaut-il pour les outils no-code ? Ceux-ci, nous le verrons, sont légion et ils touchent à des domaines des plus disparates. De plus, ce sont des outils de second ordre : des logiciels pour faire des logiciels, grosso modo. Alors, cette disruption-ci, également pressentie par Microsoft et d’autres encore, sera-t-elle d’une ampleur sans précédent ?
Par un raisonnement adverse, j’ai trouvé plusieurs généalogies du no-code (ici ou là par exemple) qui en font apparaître les premiers linéaments en 1985, avec la sortie d’Excel. Excel, cet instrument de calcul accessible et puissant, en serait-il le précurseur et… la matrice ? Pourtant, la magie de ses feuilles infinies aux formules enchevêtrées a conquis d’innombrables entreprises depuis belle lurette déjà ! Le no-code serait-il simplement un jalon supplémentaire dans la continuation d’un phénomène ancien ?
Que l’étiquette no-code désigne-t-elle alors véritablement ? Buzzword de circonstance, ou étendard d’une nouvelle façon de penser la création technique ? A quoi le “no” du “no”-code veut-il dire non ? Et à quoi ce mouvement veut-il dire oui ? En somme, quelle éthique du faire est-il en train d’échafauder ?
C’est le sujet de mon investigation.
Introduction
Le no-code a le vent en poupe ! Le pari de ces technologies ? Simplifier et démocratiser la fabrication de produits digitaux. Par quel moyen ? En faisant table rase de milliers de lignes de code, qui permettent aux développeurs d'instruire les machines de leurs marches à suivre. Grâce aux outils no-code, on dispose des briques visuelles (correspondant à des blocs pré-programmés), dessine leurs regroupements et orchestre la chorégraphie de leurs interactions. On contourne ainsi le long et rocailleux sentier que représentait l'apprentissage d'un code de programmation...
Le low-code, lui, se réfère à un compromis entre le code et le no-code. Les outils low-code nécessitent "un peu" de syntaxe de programmation, mais "pas trop".
Or, cette brise nouvelle n'est peut-être pas immaculément neuve... On dispose en effet d’un peu de recul sur les transformations récentes d’autres pans de l'économie digitale :
L'essor de la gig economy ou économie à la demande (dont les plateformes les plus fameuses sont Uber, Deliveroo ou AirBnB) a généré à la fois des opportunités et de la précarité dans les secteurs qu'elle a investis ;
Avec l'irruption des influenceurs, le rêve n°1 des enfants américains est désormais de devenir Youtuber, alors même que seuls 6% des influenceurs français dépassent 20 k€ de revenus annuels en 2020 ;
La passion economy, plus récente, gagne du terrain, en organisant la rencontre directe de créatifs avec leurs cénacles de followers et d’abonnés. En tarifant cours, podcasts ou neswletters, chaque partie en tire un profit. Mais là encore, l’accessibilité facilitée va de pair avec une inégalité qui fait rage. D'après les chiffres de la plateforme de micro-mécénat Patreon, en 2020, ses 180 000 artistes se sont partagés des contributions totalisant 1 milliard de dollars : cela représente une moyenne1 de 4500€ par an.
Mais n’allons pas trop vite : avant de spéculer sur une no-code economy, tentons de déceler les traits de caractère du no-code et de les interpréter. Au programme :
Le printemps du no-code : un bref panorama du no-code aujourd’hui ;
Le no-code rêve d'écologie : il milite pour un usage d’outils moins “polluants” ;
Le no-code rêve de liberté : itinérants et autonomes, ses adeptes s’affranchissent de schémas traditionnels ;
Vers une économie de l'hypercréativité ? Quels échos et écarts trouver avec la passion economy, dont on entrevoit les premiers enseignements ? Focus sur le modèle de la guilde médiévale.
1. Le printemps du no-code
Le no-code nous fait la promesse d’une fabrication de produits digitaux qui soit plus accessible, plus rapide et moins coûteuse... Voilà de quoi susciter curiosité et engouement !
Les communautés no-code prolifèrent
Et, effectivement, le mouvement no-code est aujourd'hui bien visible. Ses communautés se multiplient et foisonnent d’activités. On y voit paraître, chaque jour : tutoriels, reviews de produits, articles de fond ou d’actualité, interviews et témoignages variés.
A l’international, on peut citer : Makerpad (récemment racheté par Zapier), No Code Founders, NoCode HQ, Nucode, NoCode, No-code coffee, NoCodeDevs, les espagnols Nocodehackers et Nocoders.academy, 100daysofnocode, No Code List.
Pour la France, on complètera avec :
les chaînes de no-Code France sur Slack, Twitch ou Kumo et YouTube ;
des podcasts : Radio contournement, NoCode Family, Nocode Masta ;
des newsletters : Modern Makers, NO CODE STATION ;
sans oublier la longue traîne disséminée de tweets, d’articles de blogs, de vidéos YouTube, ou de posts LinkedIn émanant de ces enseignes, de particuliers, de travailleurs, d’entrepreneurs, d’investisseurs et bien sûr des éditeurs d'outils digitaux eux-mêmes, qu’ils soient no-code ou non.
Les adeptes du no-code sont donc passionnés et engagés. Leurs personnalités comptent. Souvent, la teneur des échanges se veut subjective : "Quelle est ta définition et ta vision du no-code ? Peux-tu me parler de ta stack (tes outils préférés) et de tes projets ? Comment effectues-tu ta veille ?" Comme à la saison des amours, on s’observe et s’écoute, avec intérêt et avec curiosité. Des rencontres ont d’ailleurs lieu : les formations et bootcamps se popularisent, comme en France avec >Contournement>, Ottho ou Init. Certains s’associent au sein d’agences spécialisées.
Les plateformes no-code et low-code creusent leurs sillons
Toute cette effervescence est relayée par les faits de l'économie digitale. En voici quelques exemples récents :
Airtable (outil no-code de bases de données) a enchaîné deux tours de table de 185 millions en septembre dernier et de 270 millions de dollars en mars 2021, pour atteindre une valorisation de 5,77 milliards ;
L’outil de productivité Notion et l’outil de création de site Webflow ont récemment dépassé 2 milliards en termes de valorisation ;
L’outil d'automatisation Zapier est valorisé à 5 milliards et l’outil low-code Outsystems avoisine les 10 milliards.
Pietro Invernizzi (investisseur, chez Stride.VC) et Ben Tossell (fondateur de Makerpad) ont réalisé l’inventaire de plus de 145 solutions no-code et low-code, regroupées en douze familles d'outils.
Enfin, last but not least, une certaine alacrité accompagne le réveil de ces énergies et l’essor de ces ressources. Afin de donner le ton, il suffit de regarder les tutoriels de l’outil no-code Webflow : toutes les leçons de ce sémillant professeur scintillent de clarté et de drôlerie.
Voilà donc notre décor ! Creusons, maintenant, pour en découvrir les soubassements. Quelles ressources souterraines nourrissent ce renouveau printanier ? Quels valeurs, espoirs et paris rassemblent les partisans du no-code ?
2. Le no-code rêve d'écologie
Pour entamer cette analyse, partons d’un constat simple et sans appel : bien des sites web et des applications mobiles se ressemblent...
Le psittacisme des features...
Dans la jungle des services digitaux, beaucoup de features se font écho. Ces fonctionnalités génériques peuvent être :
organiser l'affichage, le filtrage et le tri de listes d'items (films à visionner, vêtements à acheter, emplois auxquels postuler, actualités à consulter, dates à matcher, etc.) ;
gérer et enrichir des comptes utilisateurs ;
mettre en oeuvre des flux de messages personnalisés (notifications, SMS, alertes, newsletters, etc.) ;
installer des systèmes et parcours de paiement ;
...
En somme, si les sites étaient des individus et si ces features constituaient les mots de leur langage, alors on entendrait une infernale causerie de perroquets ("psittakós" en grec) !
... et l'échopraxie des produits
Poursuivant l’observation au niveau des produits, on relèvera cette fois un symptôme d'échopraxie. Ce terme de psychiatrie, formé sur "echo" et "praksis" (action, activité, pratique), désigne chez un sujet son imitation automatique des gestes d'autres personnes. Dans le monde physique, on a observé, il y a peu, à Paris, l’accroissement frénétique de services de locations de trottinettes2 ou de livraison. Cela n'est rien, toutefois, en comparaison avec les protagonistes purement digitaux : Scott Brinker (de Hubspot et chiefmartec.com) a actualisé, en avril 2020, une cartographie de plus de 8000 solutions professionnelles marketing et techniques. Ce recensement indique une croissance globale de 13,6% en nombre d'enseignes, inflation principalement portée par la data (+25,5%), le management (+15,2%) et la mise en relation (+13,7%).
Le marché digital serait-il atteint d'une sorte de folie ? La contemplation de ce paysage vertigineux peut nous plonger dans des abîmes de perplexité :
N'est-il pas absurde, du point de vue collectif, que tant de travailleurs investissent tant d’énergie et de concentration à refaire sans fin des rouages similaires ?
L'absurde de l'existence et le travail comme remède pour y inscrire un sens, c'est peut-être le questionnement fondamental des Shadoks… C’est aussi le thème que Camus aborde dans sa relecture du Mythe de Sisyphe : devrait-on, comme lui, conclure qu'il faut imaginer Sisyphe heureux ?
Si on s’élève de l’échelle de l'individu à celle du monde tout entier, arborant donc un point de vue écologique, rien ne nous empêche de requalifier ce goût de la redite et de le thématiser en une pollution. Caricaturant jusqu’au bout : quel sens trouver à ce que tant de designers re-designent des roues, tant de développeurs en re-développent et tant de devops en re-déploient indéfiniment sur des sites web ? Finalement, nos data centers regorgent de millions de modèles et d'instances de roues... Tous ces efforts redondants consomment beaucoup d'énergie, à chaque étape, jusqu'aux délétères impacts du numérique sur l'environnement.
Ainsi, le no-code rêve de rationnaliser ces déperditions d'énergie.3 En codant une fois pour toutes les mécanismes-clés, il rêve que les créateurs de produits s’affranchissent de ces travaux répétitifs : ceux-ci pourront alors se consacrer à des sujets plus essentiels.
Les manifestes no-code
Et c’est le cas. Certains tenants du no-code brandissent d’autres valeurs, en complément de cette préalable préoccupation écologique. Celles-ci sont diverses. Elles reflètent les ambitions, les idéaux et les personnalités de chacun : accomplissement personnel, création, solidarité, mixité, inclusivité, souveraineté nationale… On les trouve formulées à travers des manifestes, dont voici quelques morceaux choisis :
Extrait du manifeste de Bubble.io (2015) :
[To Revolutionize programming,] one way is to rely on engineers to build the products that will transform everything else. We would — in fact, we’ve already started to — turn engineers into an elite class that runs our world. Major tech companies would control how we live. (..) The other option is to give the power of creation to everyone. Instead of being consumers of technology, people will produce it.
Le manifeste de >Contournement> parle de
tirer parti de ces technologies à forte valeur ajoutée également à des fins sociales et solidaires.
Le manifeste d’Ottho envisage que
les créateurs viennent de la plus grande mixité possible
Stan Verjus (Comovert) intitule un chapitre de son livre blanc sur le no-code :
Le No Code au service de l'inclusivité
Erwan Kezzar (simplon.co) y écrit son espoir de
Relocaliser la production logicielle ? Dé-GAFAïser une partie de l’économie ?
Pour illustrer ces ambitions, on peut citer quelques exemples concrets de réalisations no-code : Bubble.io mentionne cinq applications pour lutter contre le Coronavirus dès avril 2020, prouvant ainsi la réactivité accrue que permet l’outil. Plus impressionant encore, Unqork, autre outil no-code, a déployé en 72 heures une plateforme centralisée pour recenser les nouveaux cas de Covid et organiser des livraisons de plus de 20 millions de repas à New York.
Néanmoins, si toutes ces initiatives visant un bien commun universel marquent indéniablement un progrès, elles ne sont ni la chasse gardée ni le privilège du no-code. Un caractère plus spécifique du no-code a certainement à voir avec un désir d’émancipation et d’autonomie de la part des concepteurs de produits. En libérant la créativité du plus grand nombre, le no-code ambitionne-t-il de nous donner des ailes ?
3. Le no-code rêve de liberté
L’aspiration à l’envol. Symbolisé par des tapis volants (dans les contes des Mille et une nuits) ou des ailes d’artifice (mythe d’Icare), thème récurrent de nombreux cinéastes (de Tarkovski à Miyazaki), source d’inspiration pour de Vinci et ses plans de machines volantes et aujourd’hui pour les milliardaires Bezos, Musk ou Branson, la conquête du ciel et de l’espace a toujours fasciné. Les adeptes du no-code ne seraient-ils pas, à leur manière, semblables aux aviateurs du début du XXe siècle ? C’est cette analogie que nous allons illustrer à travers trois aspects.
Ils côtoient les nuages au quotidien.
Les outils no-code constituent une prouesse en termes d’accès et de distribution des technologies.
Utilisant des outils digitaux principalement dans le cloud, les adeptes du no-code n'ont plus à gérer installations et mises à jour. Leurs interfaces de travail (IDEs : Integrated Development Environment), essentiellement visuelles, sont intégrées aux plateformes. Le stockage des projets (repositories), l'historique des modifications (versioning), l'enregistrement automatique (autosave), tout comme la gestion du travail collaboratif deviennent progressivement des must-have, c'est-à-dire les nouveaux standards. Lacey Kesler (Head of Education chez Adalo et fondatrice de Women in No-Code) résume tout cela en une phrase :
Now anyone with an internet connection can build software.
Ils sont aux commandes d'une technique surpuissante et discrète.
Les outils no-code constituent une avancée majeure dans la fabrication digitale, quant à la manière de concevoir et quant à leur ergonomie.
Une technique surpuissante. Les termes no-code ou low-code sont trompeurs. On pourrait interpréter que la technique s'est absentée. Elle est en effet devenue étrangement fantomatique (c'est-à-dire simultanément présente et absente), mais surtout, elle confère aux concepteurs de produits des pouvoirs démutipliés4 :
leurs combinaisons, extrêmement simplifiées, deviennent presque illimitées : c'est la promesse d’outils couteaux-suisses comme Zapier ou Integromat.
les extensions de plateformes no-code figurent clairement sur leurs feuilles de route stratégiques. Il peut s'agir de templates et de thèmes (côté front) ou de plugins (côté back), que répertorient les marketplaces d'Airtable, Adalo ou Bubble.io (pour ne citer que le début de l'alphabet...). Tout cela rappelle l'écosystème de l’ancienne technologie low-code Wordpress, sur laquelle plus de 40% des sites existants s'appuient.
On voit même apparaître du no-code au carré : des applications no-code fondant leurs business-models sur d’autres outils no-code. Ainsi, Glide, Softr ou Stacker permettent la fabrication d’applications basées sur Google Sheets et Airtable.5
Une technique discrète. En leur inculquant un langage intuitif principalement visuel, on apprend aux outils no-code à masquer leur technicité : c’est un pas de géant sur le plan de l’ergonomie. Jared Spool a conceptualisé l'évolution de certains produits ou fonctionnalités qui peuvent aller beyond the UX tipping point. Ils atteignent ce stade ultime en termes de maturité et d'adoption, lorsque leur usage s'est infiltré si profondément dans les us et coutumes qu’ils deviennent banals et normaux : on ne les remarque plus... sauf quand ils sont en panne ou manquants ! Par exemple, on n'imaginerait plus aujourd'hui un ordinateur portable dépourvu de carte Wifi ou un smartphone sans appareil photo. Sera-t-il encore possible, demain, d'imaginer la création de sites via un éditeur de texte, sans recourir à des outils comme WordPress, Webflow, Dorik, Bubble ou autre ? Et d’envoyer des e-mails sans un Mailchimp ou SendGrid, HubSpot ou Pipedrive, Substack ou Revue, selon les cas ?
Ils sont des citoyens du monde.
Les outils no-code affranchissent leurs utilisateurs de certains cadres organisationnels : ceux-ci deviennent itinérants.
Plusieurs qualificatifs sont usités pour les nommer : makers, visual developers, no-coders, ou encore citizen developers.
Qu’est-ce qu’un citizen developer ? Pour Technopodia, c’est “un individu qui crée des applications destinées à l'usage d'autres personnes, et qui utilise des environnements et méthodes de développement traditionnellement proscrites par les services informatiques d'une organisation. Par le passé, ces programmes, typiquement réservés à une personne ou une équipe, étaient conçus sur Excel ou Access. Aujourd'hui, il est possible de bâtir des services à l'échelle d'un département, d'une entreprise ou d'un secteur d'activité, en s'appuyant sur des plateformes de nouvelle génération basées sur le cloud computing.”
Ainsi, les citizen developers ne sont pas des professionnels du code. Autrement dit, ce sont des amateurs. Mais attention, cette appellation n'a rien de condescendant ! Bien au contraire. Roland Barthes a souvent fait l'éloge de la figure de l'amateur. L'amateur, dit-il, est celui qui veut simuler l'artiste. En faisant ainsi, il se met, également et à sa manière, au service de son art.
Le no-code n'entretient donc aucune rivalité avec ces artistes véritables que seraient les experts en développement traditionnel ou les spécialistes dans certaines branches d'activité. A l'inverse, c'est en s'appuyant sur eux que les citizen developers peuvent prendre leur envol, survoler les frontières, et produire plus efficacement de meilleures applications. Et, tout comme les aviateurs n'ont pas besoin d'exceller en ingénierie mécanique ou en aérodynamique mais doivent en maîtriser les rudiments, les citizens developers sont appelés à être familiers avec les préceptes du développement. Ils doivent notamment disposer de solides aptitudes à l'abstraction.
Pour Scott Brinker, leur émergence est concomittante à la démocratisation de la technologie, à une baisse du besoin d’expertise et à une productivité accrue.
Les citizen developers déambulent non seulement parmi leurs collègues, collaborateurs et confrères, mais aussi devant les étalages des nombreux produits no-code... A eux de mener leur veille ! David Peterson (Airtable) propose un intitulé pour un futur métier, en charge d'organiser le parcours d'une entreprise parmi la multitude d'outillages possibles : Why “no code operations” will be the next big job in tech. De futurs aiguilleurs du ciel, en quelque sorte ?
Apparté littéraire : Les débuts de l'aviation
En 1939, dans son roman Terre des hommes, Saint-Exupéry relate son expérience personnelle pour évoquer les débuts de l'aviation. Il énonçait déjà les tendances que nous relevons :
La machine elle-même, plus elle se perfectionne, plus elle s'efface derrière son rôle. Il semble que tout l'effort industriel de l'homme, tous ses calculs, toutes ses nuits de veille sur les épures, n'aboutissent, comme signes visibles, qu'à la seule simplicité, comme s'il fallait l'expérience de plusieurs générations pour dégager peu à peu la courbe d'une colonne, d'une carène, ou d'un fuselage d'avion, jusqu'à leur rendre la pureté élémentaire de la courbe d'un sein ou d'une épaule. (..) Il semble que la perfection soit atteinte non quand il n'y a plus rien à ajouter, mais quand il n'y a plus rien à retrancher. Au terme de son évolution, la machine se dissimule. (..) Nous étions autrefois en contact avec une usine compliquée. Mais aujourd'hui nous oublions qu'un moteur tourne. Il répond enfin à sa fonction, qui est de tourner, comme un cœur bat, et nous ne prêtons point, non plus, attention à notre cœur. Cette attention n'est plus absorbée par l'outil. Au-delà de l'outil, et à travers lui, c'est la vieille nature que nous retrouvons, celle du jardinier, du navigateur, ou du poète.
Quels sont les objets de ces “retrouvailles” mentionnées par Saint-Exupéry6 ? La “vieille nature”, le “jardinier”, le “navigateur”, et le “poète” sont-ils des métaphores désignant une part d’humanité enfouie en chacun de nous, ou alors des personnes tierces, des inconnus avec qui entamer un dialogue d’un nouveau genre ? Les mots de Saint-Exupéry sont ambivalents. Certainement, cette redécouverte concerne ces deux dimensions, intérieure et extérieure. D’ailleurs, les valeurs profondes qui fondent une personne, ne forment-elles pas aussi son principal moyen pour établir un échange authentique avec autrui ?7
Or, si on passe du niveau de l’individu à celui de la société, l’association des notions de valeurs et d’échange, n’est-elle pas à l’origine de ce qu’on appelle, plus couramment : une économie ?
4. Vers une économie de l'hypercréativité ?
Nous proposons à présent un parallèle entre l’économie naissante du no-code et la Passion Economy. Nous allons tenter d’en analyser les échos et les écarts, avant de spéculer sur un modèle possible pour la no-code economy : celui de la guilde médiévale d’artisans.
NB : Pour appréhender la Passion economy, ce passionnant article de Li Jin fait référence.
Les échos avec la Passion Economy
Voici les points que nous allons développer :
a. Les modèles de l’Hyper freelance et du Creator
On doit le concept de l’Hyper freelance à Benjamin Issenmann, fondateur de Supercreative. Il y décrit une nouvelle modalité de travail, modalité plurielle résultant de l'association vertueuse de trois activités : le conseil en entreprise (Consulting), la construction de produit (Product), et le partage des connaissances (Education).
Libre et autonome, l’hyper freelance est empowered : cet adjectif, sans équivalent français est le titre du dernier ouvrage de Marty Cagan8. Il lui incombe de créer son environnement de travail, de réinventer ses relations avec ses collaborateurs, partenaires et clients, ainsi que de définir l’emploi de son temps.
Or, le triangle magique de l’hyper freelance n'est pas sans rappeler un autre triptyque, plus récemment proposé par Li Jin. Elle propose un modèle centrée sur la figure du Creator9, paragon de la Passion economy.
Selon elle, un Creator trouve son creator-market fit10, lorsqu’il :
s'épanouit dans la fabrication de ses Contenus (équivalent de la dimension Product de l'hyper freelance) ;
oeuvre à la transmission ces mêmes contenus auprès d’une Audience (équivalent de la dimension Education de l'hyper freelance) ;
sait en faire le commerce, en trouvant un Business model économiquement viable (équivalent de la dimension Consulting de l'hyper freelance).
b. Des liens directs et un sens de l'hospitalité renouvelé
Ainsi, les citizen developers s’affranchissent de certains ways of working typiques en entreprise. Le no-code remet en cause certains systèmes organisationnels pouvant quelquefois devenir sclérosants. Par exemple, dans quelle mesure peut-on croire qu’un framework aussi nébuleux et ésotérique que le SAFe, avec ses sibyllins acronymes, puisse réellement fluidifier la collaboration d'équipes nombreuses ?
C'est peut-être aussi pour cela que le no-code s'appelle "no"-code. Après tout, l'usage aurait pu retenir visual programming. Le no-code dit non à l'excès de code informatique, tout comme il dit non à l'excès de codes culturels installés dans certaines entreprises. Par là, il invite à rester concentré sur les utilisateurs finaux, leurs difficultés, leurs pain points.11 Or, garder les yeux ouverts sur autrui, savoir l'écouter avec empathie et accueillir ses propos, n'est-ce pas une définition de l'hospitalité ? Ces valeurs sont également au fondement de la passion economy. Les clients, partenaires et abonnés sont envisagés comme des collaborateurs et parties prenantes, voire des co-créateurs.
c. Plus d’autonomie et plus de responsabilités
Gig economy et Passion economy : ces chapitres de l’histoire de l’économie digitale, toujours en cours d’écriture, ont en commun le concept de désintermédiation. A l’instar d’Uber, les producteurs et les consommateurs de services se rapprochent de plus en plus. L’entreprise se fait de moins en moins visible…
Ji Lin évoque dans son article Unbundling work from Employment la notion d’ Organization man, relative au best-seller de William H. Whyte paru en 1956. Dans l’après-guerre, les grandes sociétés américaines ont modelé l’archétype de ce travailleur moderne, qui, le soir venu, rapportait dans son attaché-case ses dossiers à son domicile. Pour l’hyper freelance ou le Creator, la porosité entre vie privée et professionnelle s’est bien aggravée. L’un comme l’autre cumulent :
la responsabilité de l’artisan, qui fabrique de bons produits pour ses clients ;
la responsabilité du professeur, qui agrège et prodigue des enseignements pertinents et valides ;
la responsabilité du commerçant ou de l’entrepreneur, qui recherche des opportunités, partenariats et missions, et sait les monétiser pour perpétuer son activité.
d. Libéra(lisa)tion
De nombreux signaux indiquent que ces différentes libérations d’anciennes structures vont de pair avec une libéralisation du marché :
La récente plateforme Stir propose “Everything you need for your creator business in one place” : elle illustre parfaitement la diversification des activités que nous mettons en lumière. Pour son fondateur :
The world is amidst a monumental power shift from Institutions to Individuals — the days when an institution could dictate what you create, when you create it, and how much your creation is worth are over.
Plus radicale encore est la plateforme usebraintrust, place de marché pour les freelances et les entreprises, cousine du français comet.co (dont la première version était bâtie en no-code) :
The way we work is broken. In fact, it’s been broken for a long time now. We’d hoped the gig economy would usher in a new era of worker autonomy and abundance, but the economics didn’t pan out. A few wealthy people became even wealthier, and the average worker is still scrambling to make a living.
Josh Constine (SignalFire) utilise le terme solopreneur pour pointer ce mode de travail. Plus critique, il émet plusieurs mises en garde dans son article How the Creator Crisis forced artists to be founders.
De nombreuses ressources paraissent pour stimuler ces travailleurs qui peuvent sembler livrés à eux-mêmes. Il suffit d’observer leurs intitulés : des newsletters comme Boundless (“sans limite”) ou Think boundless (“penser sans limite”), le best-seller Limitless: Upgrade Your Brain, Learn Anything Faster, and Unlock Your Exceptional Life (“sans limite”) et d’autres ouvrages d’ultralearning…
Les écarts avec la Passion Economy
Néanmoins, la situation des citizen developers diffère également sur plusieurs plans. Voici les points que nous allons développer :
a. Le marché manque de développeurs
Il n’est pas rare en France d’outsourcer ses compétences de programmation avec des renforts distants en Pologne, Ukraine ou en Inde. La plateforme Hackerrank réunit plus de 10 millions de développeurs, prêts à être engagés. Elle a même comparé leurs performances par nationalité.
Concernant la Passion Economy, un tel constat est loin d’être évident. Une étude de la demande réelle du marché, pour chaque verticale, reste à entreprendre, mais on peut présumer, globalement, d’un équilibre inverse.
b. Des plateformes de mise en contact pouvant exprimer leur loi
Le site Side Hustle Stack, fraîchement paru et réalisé en no-code, répertorie ces plateformes.
De manière approximative, on peut dire qu’un certain nombre des acteurs de la gig economy et de la passion economy doivent se mettre au pas des plateformes qui organisent le marché et gouvernent leurs carnets de commandes. Côté citizen developers, ils commencent tout juste à se fédérer eux-mêmes.
c. Le format des livrables : des flux ou des systèmes
Sur Side Hustle Hack, le terme “Creator” est utilisé pour les catégories : Adult Content Creator, Audio Content Creator, Content Creator, Video Course Creator. On peut compléter avec les autres catégories : Chef, Coach, Fitness instructor, Livestreamer, Podcaster, Teacher, Writer. Il s’agit essentiellement de préparer des flux (texte, son, musique, image et vidéo).
Les citizen developers, eux, livrent des objets et des systèmes, plus durables et plus tangibles. On pourrait les classer en trois grandes familles :
des outils internes : automatisations de tâches et de processus ;
des sites et applications temporaires : prototypes pour des expérimentations plus ou moins longues (cela peut être une version beta ou un MVP) ;
des services fonctionnels, sécurisés et scalables, exposés au marché.
d. Un travail orienté vers l’extérieur (objet) ou vers l’intérieur (sujet)
Voilà peut-être un critère de distinction de l’artiste et de l’artisan : on attend du premier une originalité, il doit mettre en avant sa singularité, sa subjectivité. En exposant son image, sa voix, son style d’écriture, le Creator incarne ses productions. Quant au second, il se concentre sur la fabrication d’un objet fonctionnel respectant l’état de l’art de son métier. Le citizen developer peut rester anonyme, voire il peut préférer se cacher derrière une identité virtuelle ou un pseudonyme (à l’image du hacker, ou du développeur open-source).
Comment les citizen developers vont-ils se fédérer ? Le modèle de la guilde.
Nous avons listé en introduction des communautés no-code à travers le monde. Néanmoins, pour que celles-ci ne fassent figure d’isolats, leur défi est aujourd’hui d’intensifier leurs interactions avec l’ensemble de l’économie et de renforcer leurs réputations.
Au Moyen Âge, les ateliers d’artisans étaient tout à la fois des lieux de travail et de vie. Ils réunissaient des groupes à taille humaine autour de certains métiers. La notion de “métier” devint plus tangible lorsqu’en 1268, on en dressa, pour la ville de Paris, une première liste exhaustive. Dans le Livre des métiers, on voit figurer taverniers, huiliers ou laceurs de fil et de soie aux côtés d’orfèvres, charpentiers et serruriers. Constituées en dehors de l’Eglise, les guildes préservaient les hommes de l’oisiveté et de ses dangers. La transmission de savoir-faire soudaient ensemble ces corporations constituées de maîtres, de compagnons et d’apprentis. Malgré – ou grâce à – cette hiérarchie et aux niveaux d’autorité qui en découlaient, l’entraide était le mot d’ordre : dans une progression continue, le sens du travail bien fait, ainsi que la satisfaction, l’honneur et la fière réputation qui en résultaient, devaient se perpétuer au fil du temps. Certaines guildes étaient itinérantes (on pense au Tour de France du compagnonnage, toujours existant) : le voyage, qui forge les caractères, était aussi l’occasion d’apprentissages auprès de confrères éloignés. Loin de leçons académiques articulées autour de concepts abstraits, il faut imaginer la lente circulation informelle d’un socle collégial de petites connaissances et de méthodes nombreuses : ce détail à retenir, ce piège à reconnaître, ce mouvement à mimer, cette erreur à ne pas refaire. L’emploi astucieux d’outils imparfaits exerçait l’imagination. La répétition des gestes et des tâches, leur attribution à l’un ou à l’autre sous des regards croisés, servaient à aiguiser le sens critique et à incorporer un savoir tacite, multiple et diffus. Chaque artisan, sous l’autorité du maître, bénéficiait de cette atmosphère formatrice, comme baigné dans une lumière bienveillante et familiale.12
Le no-code partage avec l’esprit de ces guildes : l’esprit communautaire, la volonté d’entraide, la curiosité de l’apprentissage, le goût de la pratique et du partage, le souhait d’autonomie pour que chacun puisse réaliser un produit de bout en bout, le triptyque précédemment mentionné : fabrication / transmission / commerce, la satisfaction du travail bien fait et l’engagement à livrer un produit de qualité.
Peut-être est-ce par ce type d’associations que le no-code va se fédérer : des studios de freelances ou des agences de makers reprendront-ils l’esprit de ces guildes ?
En conclusion
On comprendra mieux, à la lumière de cette analyse, mon choix du terme hypercréatif (fusion du Creator et de l’Hyper freelance) pour spéculer sur le futur de l’économie no-code. Si la perspective de guildes, ces compagnonnages de citizen developers, constitue une possibilité, il ne faut pas oublier que le no-code est déjà utilisé au sein de nombreuses entreprises, équipées d’outils d’automatisation dont les Growth Hackers sont extrêmement friands. Je pense également que les compétences digitales, autour de l’UX, de la Data, des Sales, du Marketing, du développement et des devops vont continuer d’être stimulées par ces nouvelles gammes d’outils.
J’aimerais attirer l’attention sur un dernier point. Qu’il s’agisse de Passion Economy ou de la naissante no-code economy, une chose est sûre : tout cela va très vite. Leurs acteurs partagent aussi une pression due à l’accélération de ces mutations globales.
L’emploi du temps de l’hypercréatif est déjà bien chargé. Risque-t-on, dans un futur proche, un emballement de cette hypercréativité, avec son lot de burn-outs ? Une série de faits récents a attiré mon attention. Tandis que peuvent s’effacer, en partie, les codes propres à des structures traditionnelles de collaboration et de commerce, de nouveaux codes viennent tout juste de paraître : le Creator code de Pinterest, le programme d’élaboration d’une politique pour les créateurs de Patreon, mais on pourrait aussi citer les règles d’éligibilité au Fonds pour les créateurs TikTok, ou son équivalent, côté Snapchat. Ce sont des soutiens pour les Creators qui sont louables, c’est certain. Mais que signalent-ils en creux ? Les instructions dont chacun de ces nouveaux codes recèle, n’apparaissent-elles pas comme des garde-fous et des renforts pour éviter à certains de perdre pied ? Le libéralisme économique a ses vertus et ses effets retors : il est capable de célébrer ses winners, dans l’ombre desquels peut se débattre toute une foule de laissés-pour-compte.
Certains auteurs ont abordé des thématiques que j’ai mentionnées brièvement, comme par exemple Jeremy Rifkin dans l’Age de l’accès, La Nouvelle Culture Du Capitalisme ou Hartmut Rosa dans Accélération, Une Critique Sociale Du Temps. Je voudrais, pour conclure, en citer un autre, que j’affectionne tout particulièrement. Je reprends ici des mots du philosophe Günther Anders. Il les écrivit en 1956, bien avant l’invention d’Internet et des ordinateurs, dans son introduction à L'obsolescence de l'homme : Sur l'âme à l'époque de la deuxième révolution industrielle. Il s’interrogeait sur :
la thèse courante, habituellement considérée comme allant de soi, selon laquelle l'ensemble des cadences humaines devrait se régler sur celle du changement dans la production. Nous ne contestons pas (..) le fait que les produits font tout pour uniformiser les rythmes des hommes. Nous ne contestons pas non plus le fait que les hommes cherchent fiévreusement à satisfaire cette exigence. La question est précisément de savoir s'ils y parviennent, et même tout simplement s'il est légitime qu'ils s'y efforcent. Car il serait tout à fait concevable que la transformation des instruments soit trop rapide, bien trop rapide ; que les produits nous demandent quelque chose d'excessif, quelque chose d'impossible ; et que nous nous enfoncions vraiment, à cause de leurs exigences dans un état de pathologie collective. Ou bien, dit autrement, du point de vue des producteurs : il n'est pas complètement impossible que nous, qui fabriquons ces produits, soyons sur le point de construire un monde au pas duquel nous serions incapables de marcher et qu'il serait absolument au dessus de nos forces de "comprendre", un monde qui excéderait absolument notre force de compréhension, la capacité de notre imagination et de nos émotions, tout comme notre responsabilité. Qui sait, peut-être avons-nous déjà construit ce monde-là ?
Pour être rigoureux, c'est plutôt le revenu médian, certainement inférieur, qu'il faudrait calculer.
Jusqu'à douze recensés à Paris à l'été 2019, avant leur hécatombe.
Cette problématique est exactement analogue à celle des techniques de déduplication, qui, elles, concernent non pas les services mais le stockage de données.
Pour être précis, chaque outil est individuellement moins performant que ses prédécesseurs, bâtis sur les technologies classiques. Ceci s’explique par l'adjonction de strates d'abstraction et par les interconnexions entre services qui augmentent la latence globale. Néanmoins, ces deux effets sont en partie compensés par l'efficacité croissante des serveurs et des réseaux.
En bordure du no-code, on pourrait également citer Newsletter OS et le Notion Pack de Supercreative : ces services payants, construits sur Notion, sont destinés à équiper respectivement les éditeurs de newsletters et les freelances.
Il évoque aussi d’autres aspects, moins heureux, de l’influence des progrès techniques sur les hommes : “Nous sommes tous de jeunes barbares que nos jouets neufs émerveillent encore. Nos courses d’avions n’ont point d’autre sens. Celui-là monte plus haut, court plus vite. Nous oublions pourquoi nous le faisons courir. La course, provisoirement, l’emporte sur son objet. Et il en est toujours de même. Pour le colonial qui fonde un empire, le sens de la vie est de conquérir.” Mais une analyse dialectique de l’outil, qui simultanément libère et asservit, nous amènerait trop loin et nous ne faisons que la mentionner.
Un terme exprime cette possibilité d’une paradoxale coïncidence de notre intériorité et de notre extériorité : l’intime. On parle en effet d’un journal intime ou de secrets intimes (logés au creux de mon intériorité), ou des relations intimes, d’être intime avec quelqu’un (dans un échange authentique avec un individu qui m’est extérieur).
On peut noter que Marty Cagan l’emploie davantage pour qualifier des équipes que des individus.
Nous avons gardé le terme anglais, afin d’avoir à l’esprit que ce Creator dont on parle n’est pas le créateur en général, mais l’agent économique de la Passion economy, dont une caractéristique principale est d’être portée par le digital.
Li Jin adapte ici la notion usuelle de product-market fit, qui représente la rencontre réussie d'un bon produit avec un bon marché par l'entremise d'un bon message.
Cette préoccupation est au coeur des méthodes lean, qui sont complètement en phase avec le no-code.
Pour ce paragraphe, je me suis inspiré du merveilleux livre de Richard Sennett Ce que sait la main.